« La formation de cette société est une erreur que j’ai commise. J’ai cru qu’une société de femmes pourrait marcher par elle-même, sans trop de difficultés, et sans direction extérieure. J’avoue que je me suis trompé et qu’une société de femmes devient fatalement une sorte de pétaudière où tout le monde crie et se dispute sans faire aucune besogne utile. J’ai cru aussi, et c’est presque de la naïveté de ma part, qu’une ancienne confrérie religieuse pourrait du jour au lendemain devenir société de secours mutuels approuvée et revêtir, avec son nouveau titre, les mœurs libérales et égalitaires qu’il comporte. C’est une leçon que je me suis donné à moi-même et dont je profiterai dans l’avenir.
L’Union des femmes prévoyantes, après avoir affiché dans le début des principes d’indépendance louable, alors que je lui avais servi de parrain, l’avais fait approuver, et lui avais confectionné des statuts, est retombée peu à peu, et tout doucettement mon occupation ne lui permettant plus de continuer sur elle une action qu’il aurait fallu incessante, est retombée, dis-je, dans les mains du curé, son ancien directeur. A partir de ce moment, toutes les participantes jeunes et moins rétrogrades que les autres, n’ont plus pu dire un mot dans les assemblées. Le bureau complètement revenu à ses habitudes cléricales, n’a plus souffert la moindre discussion. Chaque assemblée est une tempête. On ne s’est pas encore battu mais cela viendra. On rend les comptes d’une manière plus que superficielle. Si une participante demande un éclaircissement sur un chiffre, la présidente se campe les poings sur les hanches et crie : « Alors, vous nous prenez pour des voleuses ? … Ces dames s’empoignent à coups de langue, et finalement la présidente lève la séance , ce qui coupe court à toute explication gênante. »
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