La mutualité en Charente-Maritime


Au XIXème siècle on l’appelle encore Charente Inférieure, département d’à peine 500.000 habitants, aux situations socio-économiques très contrastées : un arrière pays viticole riche et prospère, le littoral aux conditions de vie précaire essentiellement tournées vers la pêche, et les insulaires, isolés, tirant leur subsistance de la mer et de la terre, aux pratiques solidaires spontanées et coutumières.

Les premières associations d’entraide et de secours apparaîtront à partir de 1840 sur l’île de Ré ; souvent interprofessionnelles, elles couvrent le risque maladie longue durée par le versement d’indemnités journalières, le risque invalidité et décès. Le plus souvent le règlement introduit l’obligation pour les adhérents d’apporter leur main-d’œuvre au secours de la famille touchée par l’adversité. Garantie plus importante encore que l’argent, le travail mutuel représentait la « survie » du quotidien dans ces milieux sociaux précaires.

Les règlements des sociétés de secours mutuels naissantes, fortement inspirés par les pratiques catholiques des protagonistes, revêtaient ainsi volontairement des vertus « éducatrices » dans la mesure où la « règle » pesait sur celui qui adhérait, s’exposant à des « amendes » en cas de non-respect. La Philanthropique de La Flotte-en-Ré citait, entre autre, « les membres participants doivent à tour de rôle porter au champ d’honneur tout sociétaire mort ; s’ils veulent éviter ce pénible devoir, ils peuvent se faire remplacer par un autre sociétaire ; dans le cas contraire, ils paieront l’amende. »


Les amendes représentaient une source de revenus complémentaires non négligeable. Elles visaient les comportements addictifs, l’alcool par exemple, l’absentéisme aux réunions ou lors d’événements même festifs de la mutuelle (défilés, porte-bannière, etc.…) Par ailleurs chaque admission comportait des dispositions discriminatoires comme « fournir un certificat médical ainsi qu’un certificat de bonne vie et mœurs » car « les maladies vénériennes sont exclues des secours » que le Code de la Mutualité moderne juge contraire à l’éthique solidaire.


Dès la fin du XIXème siècle, l’influence républicaine viendra bouleverser ces pratiques profondément religieuses et la laïcisation des sociétés se produira non sans heurt, notamment chez les insulaires. Cette période marquera toutefois l’essor de la mutualité grâce à la loi de 1898 qui définit une charte de la mutualité plus libérale que par le passé. Et, à la veille de la première guerre mondiale, la mutualité de Charente-Inférieure couvre tous les champs de la protection sociale, de la maladie au décès en passant par la retraite ; ses participants ont tous pour caractéristique commune d’être des travailleurs aux revenus « modestes » Jusque dans les années 1980, l’agriculture, la pêche et l’ostréiculture y occupent près de 35 % de la population active, alors que la moyenne nationale est alors de 20 %.

Des petites associations locales regroupant quelques dizaines d’adhérents du Second Empire aux regroupements régionaux du XXIème siècle pour faire face aux nouveaux enjeux économiques imposés par les normes européennes, la mutualité Charente-maritime fait partie maintenant d’une union Poitou-Charente globalisant 1million de personnes protégées soit près de 60 % de la population régionale appartenant plutôt aux « classes moyennes »



expo 2008

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