Les mutualités en Belgique


Une mutualité plurielle

Si la mutualité belge a obtenu sa première réglementation en 1851, soit un an avant la mutualité française, celle-ci s'est avérée moins efficace que le décret bonapartiste de 1852 pour la modélisation des mutuelles, qui ont été peu à peu récupérées par les différentes familles idéologiques. C'est ainsi qu'une mutualité de tendance libérale est née au début des années 1860, suivie par la mutualité socialiste au cours de la décennie suivante, tandis que la mutualité catholique s'est épanouie à partir de 1885 sous des gouvernements qui lui étaient favorables. D'autres mutuelles ont choisi de rester neutres. Toutes offrent à peu près le même genre de prestations que leurs homologues françaises : couverture du risque maladie, des funérailles et secours divers. Dans les villes où elles sont implantées, les mutuelles socialistes sont reliées au réseau des coopératives de consommation et de production, ainsi qu'au Parti ouvrier belge.


A la fin du 19e siècle, sous l'influence de l'exemple allemand, le gouvernement belge se pose la question d'un système de protection sociale, obligatoire ou non : il opte finalement pour la "liberté subsidiée". Les lois de 1894 et 1898 fixent le nouveau cadre des organismes mutualistes, qui se développent rapidement grâce à l'octroi d'importantes subventions publiques. Toutefois, jusqu'en 1914, les subsides sont distribués de façon inégalitaire, car les gouvernements tendent à favoriser le groupe mutualiste appartenant à leur propre famille politique. A la veille de la Première Guerre mondiale, est relancé le débat sur l'assurance maladie obligatoire : dans cette perspective, les socialistes militent pour l'instauration d'une mutualité unique. Le projet de loi est finalement abandonné à cause de la guerre.


Après 1918, toutes les mutualités obtiennent la reconnaissance publique.
L'ensemble des catégories sociales s’est rallié aux différentes mutualités, qui se sont regroupées les unes après les autres en unions nationales : neutre (fondée en 1886, reconnue en 1908), chrétienne (1906), socialiste (1913), libérale (1914), et enfin une union dite "professionnelle", fondée par des employeurs, en 1928. Ces regroupements permettent la mise en place des nombreuses réalisations sociales qui caractérisent la mutualité belge : pharmacies, centres médicaux, caisses de réassurance, centres antituberculeux, ainsi que toutes les oeuvres consacrées à la prévention des maladies et des fléaux sociaux.





La mutualité gérante du système obligatoire depuis 1944

La chronologie belge de la protection sociale présente décidément des similitudes avec celle de la France. La Sécurité sociale est instaurée en décembre 1944, suite au Pacte social négocié dans la clandestinité sous l'Occupation par le patronat et les syndicats.
Loin d'être éliminées, les mutualités sont intégrées au fonctionnement du nouveau système, en tant qu'organismes assureurs en charge du versement des indemnités maladie-invalidité et du remboursement des soins médicaux et pharmaceutiques. L'affiliation est obligatoire pour tous les salariés du secteur privé, puis à partir de 1964 ceux de l'Etat et les travailleurs indépendants; l'adhésion facultative et individuelle est remplacée par la retenue sur le salaire. Le mouvement mutualiste belge revêt donc un caractère semi-étatique et quasi universel, sans rien perdre de sa pluralité.


Avec la Sécurité sociale, les sociétés locales disparaissent. Seules sont officiellement reconnues l'union nationale et la fédération, qui sont liées à la gestion de l'assurance obligatoire, et qui adoptent le terme protégé de "mutualité". Pour préserver le lien avec l'assuré, des permanences mutualistes locales sont organisées. Les Mutualités attachent toujours beaucoup d'importance à l'information et à l'éducation à la santé.


Parallèlement à la gestion du régime obligatoire, à laquelle elles consacrent 95% de leur activité, les mutualités belges continuent à s'illustrer dans les réalisations sociales. Les services de soins, généralement organisés dans le cadre d'accords avec les médecins, se sont développés dès le début des années 1960, ainsi que l'aide aux personnes à domicile. Par ailleurs, la concurrence entre organismes se joue essentiellement sur la mise en place des prestations extra-mutualistes, censées permettre à l'assuré d'établir clairement la distinction entre la Mutualité et un service public. Cette extension des pratiques hors des champs d'intervention traditionnels a amené au vote de la loi de 1990, qui exige davantage de transparence dans la gestion des mutuelles et un renforcement de la démocratie. La loi de 1994 leur a octroyé une responsabilité financière plus grande, dans un contexte d'envolées des dépenses de santé qui n'est pas propre à la Belgique.
Loin d'être de simples organismes gestionnaires, les mutualités belges sont aussi des acteurs de premier plan dans le débat sur l'avenir du système de santé, qui dépend comme pour toutes les institutions, de l'évolution de la situation politique.



expo 2007

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