Apparue avec l'expansion du commerce maritime à la fin du Moyen Age, la pratique assurantielle est contemporaine de la prévoyance "pré-mutualiste" des organisations corporatives. Après s'être longtemps heurtées à l'interdiction catholique de la spéculation, et, partant de l'assurance-vie, les compagnies d'assurances s'établissent au XIXe siècle, en même temps que les sociétés de secours mutuels.

A l'époque de l'industrialisation, les assureurs inventent la formule du contrat-groupe, qu'ils proposent aux employeurs pour la couverture des risques d'accident du travail. C'est ainsi que les compagnies commerciales investissent le monde de l'entreprise, délaissé par la mutualité, et qu'elles sont particulièrement concernées par la loi du 9 avril 1898 pour la prise en charge des accidents du travail. Huit jours plus tôt, la Charte de la mutualité a réaffirmé le rôle des sociétés de secours mutuels pour la couverture du risque maladie. Toutefois, en cette fin de XIXe siècle, la frontière entre mutualité et assurances n'est pas étanche.
Alors que des personnalités attachées à la promotion de la prévoyance sous ces deux formes engagent la mutualité à adopter les techniques assurantielles, en 1894, la crainte d'une assimilation au secteur lucratif amène les mutualistes à refuser la tutelle du ministère du Commerce.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, mutuelles et assurances évoluent dans des domaines différents : cantonnées dans la garantie des biens, les compagnies à but lucratif s'adressent à une clientèle aisée, alors que les mutuelles s'occupent de la prévoyance des classes modestes et moyennes, en complément avec les régimes obligatoires dès 1930.

C'est au cours des années 1980, en pleine crise économique et des systèmes de santé, que les assureurs se mettent à convoiter le "marché" de la santé, et à faire du dumping en direction d'une clientèle jeune et solvable.
Dans ce climat concurrentiel, il devient difficile pour la mutualité de concilier efficacité gestionnaire et respect de l'éthique solidaire et non lucrative.