Mutualité et assurances


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Très tôt, les mutuelles ont été contraintes de se différencier du secteur marchand de la prévoyance pour préserver leur identité. La confrontation se situe alors davantage sur le terrain de la doctrine que sur celui de la compétition commerciale. Les élites républicaines considèrent, à la fin du XIXe siècle, la technique assurantielle comme la voie la plus efficace pour rationaliser le fonctionnement des mutuelles et résoudre la question sociale sans recours à l’obligation généralisée.
Il n’existe, à leurs yeux, aucune différence fondamentale juridico-fonctionnelle entre l’assurance de marché et l’assurance de solidarité.



Les compagnies privées sont admises de plein droit dans les pavillons d’Économie sociale des expositions universelles, notamment à celles de 1889 et 1900.
Plus grave, le législateur entend imposer aux sociétés de secours mutuels les règles de fonctionnement des institutions d’assurance. La résistance des mutualistes met en échec cette première tentative de “ banalisation ”.

Les termes qu’ils utilisent pour rejeter la confusion des genres n’ont rien perdu de leur authenticité : “ l’assurance est œuvre d’égoïsme et d’intérêt privé et la mutualité œuvre de solidarité, de dévouement et d’intérêt général. ” Les finalités lucratives des compagnies, affirment-ils, tendent à circonscrire la technique d’assurance dans une stricte relation entre contribution individuelle et coût du risque, alors que les sociétés de secours mutuels prennent en charge les aléas dans le cadre solidaire le plus large possible, en dissociant l’effort contributif du droit à prestation.


Cette différence de finalité influe directement sur les modalités de prévoyance mises en œuvre. Alors que la mutualité s’engage progressivement dans la voie d’une couverture globale des risques par la réalisation de réseaux sanitaires et sociaux, les entreprises d’assurance limitent leur intervention à la seule indemnisation financière. Ce sont les traits de cette pratique solidariste que la loi consacre au travers de la Charte de la mutualité adoptée le 1er avril 1898. Après le divorce avec le syndicalisme ouvrier, le constat officiel d’une différenciation juridique entre pôles marchand et solidariste de la prévoyance représente la seconde rupture fondatrice de l’identité contemporaine de la Mutualité française.



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