Le banquet mutualiste


Depuis l’Antiquité, le repas pris en commun donne à voir la cohésion d’un groupe, et marque une pause festive dans le calendrier des activités communautaires. Aux ripailles partagées, s’ajoute une dimension solennelle, que l’on retrouve aussi bien dans les repas de corps organisés par les confréries médiévales à l’occasion de la fête du Saint, que dans les banquets républicains qui tiennent lieu de réunions électorales à la fin de la Monarchie de Juillet. La plupart des sociétés de secours mutuels du Second Empire, qu’elles soient professionnelles ou communales, perpétuent cette tradition, une fois l’an. A l’issue d’une matinée occupée par une messe suivie de l’assemblée générale, les mutualistes se réunissent autour d’un repas plus ou moins copieux selon les ressources de la société. A une époque où les femmes peinent à accéder à la mutualité, elles sont pourtant conviées à ce moment festif de la vie de la société. Les notables marquent parfois leur désapprobation devant ces dépenses intempestives, notamment en boisson, prélevées sur le fonds social, jusqu’à ce que la loi de 1898 précise que ces frais seront couverts par une souscription.


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A la Belle Epoque, se développe une véritable « mode » du banquet, initiée par le président de la République Sadi Carnot qui, en 1888, offre un banquet à tous les maires de France. Déjà en 1883, le premier congrès des sociétés de secours mutuels à Lyon s’est clôturé par un banquet offert aux délégués. Avec la constitution des unions départementales, puis de la FNMF (1902), la commensalité mutualiste prend une ampleur nouvelle et marque symboliquement la concorde entre le mouvement et la République.


En février 1904, la FNMF organise un banquet d’un millier de couverts pour remercier le Président du Conseil, le Ministre de la Guerre et celui de l’Instruction publique d’avoir favorisé l’essor de la Mutualité. Le 30 octobre 1904, la première fête nationale de la Mutualité parrainée par le journal Le Matin se termine par un festin au Champ de Mars, en présence du président de la République Loubet, et de Emile Combes, président du Conseil. Pas moins de 1 600 maîtres d’hôtel assurent le service de 30 000 convives installés le long de 27 kms de table. Le succès de la fête incite la FNMF à organiser une seconde fête en l’honneur d’Emile Loubet, le 5 novembre 1905. Point d’orgue de cette montée en puissance, « véritable démonstration de masse » selon Bennet, le banquet compte alors 50 000 convives, venus de tous les départements ! Cependant, les agapes mutualistes, même nationales, ne présenteront jamais plus cet aspect fastueux… et dispendieux. Signe le plus évident d’un délitement des pratiques conviviales de proximité, nombre de sociétés renoncent à la tenue d’un banquet annuel après la Première Guerre mondiale.



Les fêtes mutualistes

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